Quand un moyen de communication chasse l’autre…

La fontaine de mon village a disparu sacrifiée à la voiture et aux camions qu’elle gênait. 

Donnait-elle la vie ou la recevait-elle des six rues qui convergeaient vers elle ?

Des générations l’ont faite chanter pour boire, se laver, mettre le vin au frais. Arroser quelquefois dans un éclat de rire, ceux qui, après la journée commencée tôt, venaient là sur ces marches, parler rire et plaisanter, avec les demi mots de ceux qui se connaissent bien !

Depuis combien de temps, chaque jour, un par famille, venait là plusieurs fois, puiser l’eau qui lave et désaltère, mais aussi désagrège les querelles, soude l’amitié au travers des nouvelles échangées ?

Sur la dalle cimentée, le pas lourd des chevaux venait s’évanouir, pendant que la tête énorme plongeait ses naseaux dans la vasque.

Le grand volant ne tressera plus dans sa ronde, les premiers regards, les premiers sourires échangés et puis aussi la reconnaissance de la grand-mère qu’un jeune, sans rien dire, vient aider. Pris par le rythme cyclique de la machine qui faisait naître le cristal de l’eau fraîche, combien d’êtres ré-accordés, réconciliés …

Toi, l’automobiliste pressé qui sourit de mon propos, dis-moi où, mieux que là, entendre de plus près, le murmure de l’amitié qui nous relie et nous fait vivre !

Michel Brengues